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Victoire contre l’abattage des bouquetins du Bargy

Contre tout avis scientifique, la préfecture de Haute-Savoie avait autorisé en 2022 l’abattage de 170 bouquetins sauvages dans le massif du Bargy, soupçonnés de transmettre la brucellose aux vaches dans les alpages… Après une première victoire en justice qui avait permis de suspendre en urgence ce massacre injustifié, la justice vient de se prononcer sur le fond du dossier, en donnant une nouvelle fois raison à nos associations.

Par un jugement du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté du préfet de Haute-Savoie du 17 mars 2022 en ce qu’il autorisait des tirs indiscriminés de bouquetins du Bargy, jusqu’à 170 individus en 2022 puis 20 individus par an jusqu’en 2030.

Saisi par l’ASPAS, FNE AURA, FNE 74, AVES, Animal Cross, LPO et One Voice, le juge vient confirmer l’illégalité de cette décision dont les dispositions avaient été suspendues en urgence une première fois mai 2022 puis en juin 2023. Il retient l’argument selon lequel le préfet n’a pas mis en oeuvre d’alternatives préalablement aux tirs de cette espèce protégée, se fondant sur l’avis défavorable du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) ainsi que sur l’avis de l’ANSES qui proposait d’autres scenarii permettant de réduire la prévalence de la brucellose tout en limitant l’impact sur les bouquetins sains.

Il retient en outre que les mesures de bio-sécurité visant à réduire le risque de transmission aux cheptels domestiques n’ont pas été suffisamment mises en oeuvre ni évaluées.

Extraits du jugement : 

« L’Anses considère qu’il faut parvenir à l’extinction naturelle de la maladie et que le scénario n° 5, qualifié de « scénario flash » qui rend difficile le suivi postérieur, est « comparable à un pari dont la probabilité de succès (par extinction) est faible » »

« Cette analyse est confortée par l’avis, unanimement défavorable, rendu par le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) le 27 janvier 2022, qui indique que l’arrêté préfectoral « prend en compte la vision sanitaire demandée par le milieu de l’élevage, avec une action choc immédiate d’assainissement, à l’instar de la prophylaxie domestique », ce qui est voué à l’échec s’agissant d’une espèce sauvage. Cette instance explique que l’abattage massif prévu pour l’année 2022 comporte « une prise de risque importante non incluse dans le modèle, qui vient de la déstructuration de la population de bouquetins dès lors que les individus restants peuvent s’agréger différemment ». Ainsi et dès lors que l’abattage de cette espèce protégée ne peut être autorisé qu’en l’absence d’alternative satisfaisante permettant de parvenir à l’extinction de l’enzootie, le préfet ne pouvait légalement autoriser un abattage indiscriminé dans la limite de 170 individus, scénario estimé moins pertinent qu’un abattage plus restreint pour parvenir au résultat recherché. »

« Pour les mêmes raisons, le préfet n’était pas fondé à autoriser « à partir de 2023 et pour les années suivantes » un maximum de 20 abattages indiscriminés, sans tenir compte des effets des mesures ordonnées et réalisées en 2022 puis chaque année »

« Selon les instances consultées, les mesures de gestion doivent être complétées par des mesures de biosécurité tendant à limiter les contacts entre les bouquetins et les cheptels domestiques, mesures dont l’inefficience n’est pas établie faute de mise en œuvre suffisante »

Télécharger la décision (PDF)

© Photo : P. Huguenin et A. Margand

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